Un projet citoyen dédié au suivi de la mise en œuvre des mesures de prévention du harcèlement moral dans la fonction publique, prévues dans la loi de 2019-828 "loi de transformation de la fonction publique".
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Ce site est un projet citoyen dédié au suivi de la mise en œuvre des mesures de prévention du harcèlement dans la fonction publique.
Depuis plusieurs années, des lois ont été promulguées pour tenter de lutter contre le harcèlement, notamment le harcèlement au travail, et notamment dans le cadre des emplois publics.
Cependant, on ne peut que constater que malgré ces lois, les employeurs continuent à ne pas prendre aux sérieux leurs obligations légales, et c’est particulièrement insupportable de la part de l’État, qui devrait être exemplaire en la matière.
Le harcèlement moral est une forme de violence psychologique, qui a pour effet de dégrader les conditions de vie ou de travail des personnes qui en sont victimes. Dans certains cas, il peut pousser ses victimes à la dépression ou au suicide. Il peut être l’œuvre d’une seule personne mais également être un fait institutionnel : ce fut le cas par exemple au sein de France Telecom, selon le jugement qui fut rendu le 20 décembre 2019.
Le harcèlement sexuel est une notion distincte mais apparentée, regroupant notamment les pressions en vue d’obtenir un acte sexuel, ou des propos ou comportements non désirés et répétés, à connotation sexuelle. Ses conséquences peuvent être tout aussi graves.
La loi interdit le harcèlement et prévoit des peines pour les personnes qui s’en rendent coupables. Dans le cadre professionnel, le droit de ne pas subir de harcèlement moral est consacré, s’agissant du harcèlement moral, par l’article L1152-1 du Code du travail pour les emplois de droit privé, et l’article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 pour les emplois de droit public; s’agissant du harcèlement sexuel, par l’article L1153-1 du Code du travail pour les emplois de droit privé, et l’article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983 pour les emplois de droit public. La jurisprudence a établi que le droit de ne pas être soumis à un harcèlement constitue une liberté fondamentale.
Ce site s’intéresse en particulier aux emplois de droit public.
Pour compléter les dispositions répressives, la loi a récemment prévu un dispositif de prévention et de signalement. Dans la fonction publique, celui-ci est prévu par l’article 6 quater A de la loi du 13 juillet 1983, qui a été créé par la loi “de transformation de l’action publique” du 6 août 2019. Cet article vise globalement les actes « de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel ou d’agissements sexistes ». Par simplicité, sur ce site nous parlons simplement de « harcèlement ».
Comme cela arrive bien souvent, la loi en elle-même n’a d’effet qu’à travers des décrets d’applications, et ceux-ci peuvent n’être pris que longtemps après les lois correspondantes.
Le décret n° 2020-256 du 13 mars 2020 est le décret d’application qui oblige tous les employeurs publics à mettre en place un dispositif de prévention et de signalement des faits de harcèlement. Cette obligation s’applique depuis le 1er mai 2020. (Et donc, ce site pouvait indifféremment s’appeler « depuis le 13 mars » ou « depuis le 1er mai ». La symbolique du 1er mai étant déjà assez chargée, j’ai choisi la première option… mais la date effective pour le calcul des retards indiqués ci-dessous est bien la seconde.)
Depuis le 1er mai 2022, quelques mauvais élèves affichent désormais plus de deux ans de retard au compteur…
Les Ministères de l’Ecologie, de l’Intérieur et de la Justice constituent désormais une minorité s’obstinant à échapper à la loi, soit encore plusieurs centaines de milliers d’agents publics qui ne sont actuellement pas concernés par un dispositif conforme à la loi… alors même que l’Assemblée Nationale indiquait dans son rapport d’impact sur la loi de 2019:
L’obligation de mise en place d’un dispositif de signalement par les administrations, collectivités et établissements publics permet d’assurer une égalité de traitement de l’ensemble des agents publics et leur permet de faire valoir leurs droits devant le juge administratif pour faute dès lors qu’aucun dispositif n’aurait été mis en place par l’employeur.
En réalité, contrairement à cette volonté affichée du législateur, la jurisprudence qui émerge des décisions prises par les tribunaux administratifs, saisis de cas de carence fautive, tend à dédouaner systématiquement les employeurs publics… on comprend donc pourquoi ces Ministères récalcitrants ne se sentent pas particulièrement menacés et continuent à traîner la patte.
Les dispositifs des différents Ministères et administrations centrales se caractérisent par une constante - celle du retard considérable pris dans leur mise en oeuvre, par rapport au délai légal - et des variations importantes dans le niveau de protection accordé aux personnes concernées.
le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères a pris un arrêté du 20 novembre 2020, soit avec 203 jours de retard. Il semble cependant avoir été le premier. Bravo au Quai d’Orsay.
le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation a pris un arrêté du 17 mars 2021, soit avec 320 jours de retard; malheureusement, cet arrêté se borne à répercuter, sur les établissements relevant de son périmètre, les mêmes obligations. Cet arrêté semble donc d’une part sans effet réel sur les personnels relevant directement du ministère et non d’un établissement en particulier, et d’autre part en “renvoyant la balle” de la sorte aux établissements, court le risque d’occasionner des délais supplémentaires, et d’instaurer des traitements disparates entre établissements. Mais, lot de consolation qui sera certaimenent apprécié par les victimes ne sachant pas vers qui se tourner, un “appel à projets” est lancé en septembre 2021 pour aider les établissements à améliorer, notamment, leur “communication”…
les Ministères du travail, de l’emploi et de l’insertion d’une part, des solidarités et de la santé d’autre part, ont pris les concernant un arrêté du 26 mai 2021, soit avec 390 jours de retard.
le Ministère des Armées a pris un arrêté du 31 août 2021, soit avec 487 jours de retard. Le dispositif s’appuye sur la cellule Thémis, qui voit donc élargi son périmètre, précédemment restreint aux discriminations et harcèlements à caractère sexiste ou sexuel. Cet arrêté semble confirmer le projet présenté au Comité Technique Ministériel du 25 mai 2021, puis en Commission Consultative Paritaire du 19 juin 2021, qui avait été relativement mal accueilli par les organisations syndicales (cf. les comptes-rendus en lien émanant de l’UNSA Défense mais également le communiqué de la CGT).
Le dispositif des services du Premier ministre est arrivé en deux temps, avec tout d’abord un arrêté du 19 juillet 2021 portant création de la mission Vigisexisme, soit avec 444 jours de retard. (Interrogée à ce sujet, la DSAF a imputé ce retard à la crise sanitaire; or seule l’ordonnance du 25 mars 2020 pouvait justifier une telle position, et le délai maximum accordé par ce texte ne pouvait dépasser le 24 août 2020.) Ce dispositif ne concerne que les agissements sexistes (harcèlement et discriminations) et violences sexuelles. Outre les agents en poste, il est ouvert « aux agents ayant quitté les services du Premier ministre depuis moins de six mois, ainsi qu’aux candidats à un recrutement dont la procédure a pris fin depuis trois mois au plus ».
Plus tardivement encore, un arrêté du 27 décembre 2021 est venu compléter la mise en conformité de Matignon, soit avec 605 jours de retard. Ce texte ouvre bien le dispositif aux agents en poste et ayant quitté les services depuis moins de six mois, mais fait purement et simplement l’impasse sur les personnes ayant candidaté à un emploi. Si vous êtes victime de discrimination à l’embauche par l’un des services relevant de la DSAF, pour tout autre motif que votre sexe ou votre identité de genre… tant pis pour vous. (Ou bien, tant pis pour l’État, si vous attaquez en voyant là une évidente inégalité de traitement, et que la justice vous donne raison…) Vous ne pourrez d’ailleurs même pas tenter votre chance puisque le texte, qui mentionne une « messagerie électronique dédiée » pour y adresser les signalements, omet d’en préciser l’adresse. (En réalité, peu importe. Au titre de l’article L114-2 du CRPA, « lorsqu’une demande est adressée à une administration incompétente, cette dernière la transmet à l’administration compétente et en avise l’intéressé. » Vous pouvez donc adresser vos demandes à affaires.juridiques@pm.gouv.fr, l’administration sera dans l’obligation de transmettre.)
Le Ministère de l’Agriculture a pris un arrêté du 28 avril 2022, soit avec 727 jours de retard.
Le Ministère de la Culture a pris un arrêté du 13 juin 2022, soit avec 773 jours de retard. Il concerne les personnes « en fonction ou antérieurement en fonction au sein des services du ministère de la culture, centraux ou déconcentrés, des services à compétence nationale ou dans ses établissements publics ».
Le Conseil d’Etat a pris avec 818 jours de retard un arrêté du 28 juillet 2022, concernant les agents « affectés au Conseil d’Etat, à la Cour nationale du droit d’asile, dans une cour administrative d’appel ou un tribunal administratif ». On peut légitimement s’interroger sur le manque d’exemplarité de la plus haute juridiction administrative du pays… Mais également relever l’intitulé même du dispositif: « Cellule d’écoute discriminations et violences sexistes et sexuelles », qui gomme purement et simplement la notion de harcèlement moral.
Le Ministère de l’Economie et des Finances a pris un arrêté du 12 octobre 2022 soit avec 894 jours de retard. (Exercice: calculez la majoration qui serait dûe à l’administration fiscale si vous décidiez de payer vos impôts avec deux ans et demi de retard.)
Le Ministère de l’Education Nationale et de la Jeunesse a pris un arrêté du 31 juillet 2023 soit avec 1186 jours de retard.
Certaines collectivités territoriales sont en règle.
Si votre employeur public est à jour de ses obligations, mais que vous n’avez pas été informé·e; ou si votre employeur public n’est pas en règle; et dans l’un ou l’autre cas, si vous subissez des agissements qui vous semblent relever d’un harcèlement, la responsabilité de l’employeur peut être engagée.
Ce site vise uniquement à vous informer et ne peut se substituer à un conseil juridique compétent ou à l’assistance apportée par les instances syndicales, la médecine du travail ou les organes de prévention de votre employeur public. Nous vous invitons à vous rapprocher en priorité de ces acteurs.